Histoire de Retord
Histoire de Retord
Malgré toutes les vicissitudes, Retord reste éternel.
Au début du siècle dernier, une plaisanterie circulait sur la place qu'occupait Retord au sein des quatre-cent-quarante paroisses du diocèse... "une place à part... voire la toute première !"
Première, au regard de l'altitude bien sûr,car si le niveau de la mer venait à s'élever de 1100 mètres,"seule, la petite église de Retord, échapperait au désastre et dresserrait son humble clocher au centre d'une île dont la paroisse occuperait la majeure partie !"
Ce qui faisait dire que: "Retord était le "poste le plus élevé du diocése" !
Sous l'impulsion de l'Abbé Tarpin et le soutien important du Comité de la Chapelle de Retord, celle-ci a été rénovée à partir de 1960.
L'inauguration a eu lieu en juillet 1967...
En elle même, la seule restauration de la chapelle à Retord s'inscrit dans une logique de pérénité, est un gage d'unité et de pérennité pour l'ensemble du Plateau.
La Voix de l'Ain a consacré un article très intéressant sur le "Vieux Retord" à l'été 1982
Néanmoins, la réalité économique est prégnante et la désaffection historique de ses fermes montre bien que ce modèle économique ancien a vécu et que Retord a su réorienter ses activités.
> Lire le Retord et ses fermes de 1950 à nos jours
Voici un témoignage de René SAUGE qui montre bien cette évolution:
Dans les années qui ont suivi la guerre, la plupart des fermes existantes sont occupées pendant la saison d’été par des éleveurs venant du Pays de Gex. Ils conduisent en estivage leurs vaches laitières. La production laitière des fermes du Jet, de Pré Neyret, du Charnay est transformée en comté dans la fromagerie de Pra Devant.
Les autres fermes comme celles de Cherbois, de la Charnaz, du Châtelet, de la Croix Jean-Jacques, de Retord et du Tumet, sont équipées pour cette transformation. La plus importante production en quantité produite à l’unité de bétail est celle du Tumet.
Entre les deux guerres, cette production fromagère était très importante pour les familles résidant sur le plateau puisqu’elle était leur source de revenus. Certaines fermes possédant des caves propices à l’ensemencement en mycélium fabriquaient du bleu de Gex. La ferme du chaix en est un exemple. Avant la première guerre mondiale, les fermes étaient occupées en permanence. Elles se sont vidées car comme partout en France, beaucoup d’hommes mobilisés sur le front ont été tués.
Entre 1950 et 1955, les producteurs de lait se sont désintéressés des fermes de montagne. La société des Laiteries Réunies de Genève s’est intéressée à la production laitière du Pays de Gex, rentabilisant le lait de façon plus avantageuse que celle de la production de comté sur le plateau. De plus la main d’œuvre qualifiée manquait. De nombreuses fermes ont alors été laissées en friches durant quelques années.
Un autre facteur important a contribué à désertifier le plateau : l’état a subventionné les plantations d’épicéas et de sapins. Les propriétaires fonciers privés des revenus fermiers se sont lancés dans la plantation de résineux. De vastes espaces herbés ont été boisés. Heureusement, quelques propriétaires, soucieux de l’équilibre écologique du plateau ont réussi à instaurer une réglementation qui a stoppé les plantations.
> voir ici l'évolution des plantations entre 1950 et 2015
Restait à occuper les surfaces herbées. Encore une fois, un changement dans la politique agricole est intervenu : les producteurs de lait ont vu la nécessité de se transformer en éleveurs produisant eux-mêmes leurs animaux de remplacement. L’insémination artificielle a permis de produire des animaux de qualité. Le fait de l’éleveur naisseur a induit une augmentation importante du troupeau ce qui a généré un besoin d’espace pour les génisses. Celles-ci viennent occuper en été les espaces de montagne laissés libres par les laitières. Quelques exploitants se sont transformés en loueurs d’animaux et ont pu rentabiliser leurs prés.
Pour différentes raisons, quelques grosses fermes se sont entièrement libérées. De ce fait, un immense espace était vide. Clairvoyants mais également intéressés, des éleveurs se sont constitués en Groupement Pastoral et sont devenus dans un premier temps loueurs de biens. Dès la constitution du Groupement, en 1969, sous la présidence du regretté François Beau, ex maire d’Ambronay, ils se sont retrouvés 20 à 25 éleveurs possédant environ 400 génisses. Les débuts ont été très difficiles : il a fallu clore plus de 500 hectares, les cloisonner. Le plus lourd a été la création de points d’eau. Aujourd’hui, le pâturage est très opérationnel. Il comprend 500 hectares dont 350 d’herbes, le reste étant boisé. L’estive de 400 génisses sous la garde d’un seul berger est ainsi possible. Celui-ci s’assure des clôtures. L’ayant géré moi-même sous la présidence dynamique de Pierre Cormorèche, pendant près d’une vingtaine d’années, je sais que tout ceci a été une opération saine dont le budget est satisfaisant.
Que devient à ce jour le plateau de Retord ? C’est une très belle prairie située entre 1200 et 1400 m d’altitude. Exploité par des privés et en grande partie par le Groupement pastoral, sauvegardé du boisement intensif pour le plus grand bonheur des citadins qui pratiquent randonnées, ski de fond, raquettes, pour celui des mushers et de leurs chiens de traîneaux qui cette année encore vont faire connaître le plateau au niveau international. Du coup, quelques commerçants et leurs salariés peuvent pratiquer des activités de restauration.
En conclusion, le plateau de Retord ignoré durant de longues décennies est devenu un magnifique lieu de loisirs pour une partie importante de la population.
C’est une très grande satisfaction pour les éleveurs, les propriétaires fonciers, sachant que le lieu est préservé de toute urbanisation future.
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